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Conférence |
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SOIGNER PAR LA POÉSIE
Poète ou thérapeute de l'âme ? |
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Conférence
dans le cadre des activités culturelles
de l’association
"Crozon AVF Accueil, Finistère"
Janvier 2000
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A
notre époque, au début de ce 3ème
millénaire, à un moment où
la télévision, l'informatique et Internet,
le cinéma, les magazines, les bandes dessinées,
les jeux vidéo, le sport, etc., investissent
de plus en plus la vie quotidienne de chacun d'entre
nous, la lecture en tant que loisir semble être
en perte de vitesse et la poésie, parente
pauvre de la littérature semble tomber en
désuétude, tant et si bien que les
grands éditeurs n'acceptent plus de publier
que des poètes déjà célèbres
et encore...
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En effet, pour beaucoup de gens la poésie
ne sert à rien, la poésie ne passionne
pas, la poésie n'intéresse personne
! On peut se demander, effectivement, à quoi
sert la poésie ? |
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Voici
des extraits d'un article du magazine « Psychologie » de mars 1981 écrit
par
Sylvie et Larry Morrissette,
professeurs à Santa Monica en Californie : |
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En Amérique, depuis l'année 1970,
un établissement neuropsychiatrique hospitalier
californien compte parmi ses employés un
poète, Arthur Lerner,
docteur en psychologie et en littérature,
professeur de psychologie, pionnier du mouvement
« Poésie-thérapie ».
Il réunit ses patients par groupe d'une
dizaine de personnes environ à raison d'une
séance par semaine.
Il s'agit de laisser les personnes exprimer leurs
émotions à partir de mots, de poèmes
tant il est certain que l'homme a été
un être d'émotion bien avant de devenir
un être de raison.
Après avoir lu un texte, les participants
expliquent celui-ci et il s'ensuit en général
une discussion, cela permet au groupe de communiquer,
de verbaliser leurs sentiments, leurs sensations,
leur compréhension de la valeur et du sens
qu'ils donnent aux mots. |
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Il arrive donc que certains textes ébranlent
les patients et peuvent parfois atteindre leur
moi profond, leur personnalité profonde,
leur subconscient, leur être intérieur,
leur âme ! Cette pratique peut parfois, dans les jours qui
suivent provoquer des malaises chez l'un ou l'autre
des malades. Dans ce cas, le médecin peut
se retrouver confronté à un problème
mais il est capable de retrouver ce qui a déclenché
ce nouveau comportement. Bien entendu, on ne s'improvise pas thérapeute
en poésie !
Il existe donc en Amérique une formation
appropriée, ce qui laisse entendre que
la poésie n'est
ni inoffensive, ni inutile
contrairement à ce que la plupart des personnes
pensent généralement !
Les thérapeutes américains se recrutent
en particulier dans le milieu de la psychologie
et de la psychiatrie et leur « entraînement
» se déroule par groupe de candidats
thérapeutes exactement comme s'il s'agissait
de véritables "malades".
Le mouvement
de « Poésie-thérapie »
se base sur 3 éléments et on retrouve
ici le principe fondamental de la Loi du Triangle : – les patients-poètes qui ont toujours
la priorité, – les poèmes –
et les thérapeutes dont le rôle est
délicat car ils se posent en médiateur
entre le poème et le patient.
L'animateur se munit avant chaque séance
d’une impressionnante collection de poèmes
les plus divers. Cette grande variété
du registre poétique est indispensable,
puisqu’elle doit répondre à
la pluralité des besoins exprimés
par les patients.
Généralement, le thérapeute
propose à ses patients des extraits d'anthologies
qu’il a sélectionnés au fil
de ses expériences précédentes
et de ses lectures personnelles.
Mais dans d’autres cas, les patients, préférant
laisser libre cours à leur inspiration,
écrivent leurs propres vers et se révèlent
parfois à cette occasion d’excellents
poètes.
Enfin, il arrive aussi qu’un des participants
du groupe se mette spontanément à
écrire quelques vers pour le malade qui
est en train de travailler et avec laquelle il
éprouve une certaine communion.
Ces méthodes sont en réalité
étroitement liées. En effet, il
est courant que la lecture d’un poème
déjà publié provoque chez
le patient la création spontanée
et parfois étonnamment rapide de son œuvre
poétique personnelle. Celle-ci pourra alors
devenir à son tour une nouvelle source
d’inspiration pour les autres participants.
En poésie-thérapie, il est pratiquement
impossible de dresser une liste de poèmes
correspondant chacun à un type bien défini
de problèmes psychologiques. C’est
l’opportunité qui rend un poème
curatif, ce qui exige que le thérapeute
fasse preuve d’une grande flexibilité
et d’un esprit constant d’adaptation.
Par exemple, un sonnet qui a permis, il y a quelques
jours, à plusieurs participants de s’exprimer
et de progresser dans la recherche de leur moi
peut très bien se révéler
tout à fait inopérant, la semaine
suivante, avec un autre groupe.
De même, au cours d’une séance,
un poème lu au début de la soirée
et qui apparemment n’avait provoqué
aucune réaction, peut tout à coup
et parfois même longtemps après,
déclencher chez un des patients toute une
série de sensations.
De ce fait le rôle du poème est donc
de catalyser et la complexité des réactions
correspond en fait à la variété
des fonctions jouées par le texte. Celui-ci
est souvent utilisé comme moyen de
«
déblocage », tel un outil véhiculant
des sensations ou des émotions permettant
de provoquer un déclic, stimulant ainsi
de libres associations d’idées.
Le
thème du poème est alors secondaire.
On peut donc, par exemple, présenter à
un patient terrassé par une dépression
tenace un poème gai ou positif, car il
est fréquent que le lecteur en détresse
ait besoin de ressentir que le poète est
parvenu à surmonter l’obstacle.
On peut aussi tenter de toucher un adolescent
solitaire par ces vers d’Emily Dickinson :
« Je ne suis personne ! Qui estu
? – Es-tu personne... aussi ?».
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La valeur curative d’un poème se
mesure donc à sa capacité d’atteindre
des personnes jusqu’alors intouchables.
Par sa fonction, la poésie peut agir comme
catalyseur, c'est-à-dire qu'il déclenche
une réaction psychologique. Les sentiments
exprimés par le poète agissent comme
un résonateur au niveau du subconscient
du patient, de son moi dans ses composantes relationnelles
et affectives. Des fragments communs de souvenirs
et d’expériences commencent à
vibrer en vertu de la Loi de sympathie avec les émotions véhiculées
par le poème. Ces fragments, d'abord secoués,
se détachent de la mémoire profonde,
émergent enfin à la surface où
ils peuvent être regardés à
la lumière de la réalité
et recréer l’unité.
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Si, pour la plupart des lecteurs, le poème
agit comme miroir et comme reflet de leur propre
moi, il représente aussi souvent «
l’autre », non menaçant, à
qui l’on ne craint pas de se confier ou
de s’identifier.
Voie royale aux sentiments et aux réactions
physiques des individus, le poème peut
véritablement être considéré
comme la troisième des personnes habituellement
en présence en poésie-thérapie.
En effet, le lecteur-patient, préparé
par le thérapeute à mettre en pratique
l’ordonnance poétique que celui-ci
lui a prescrit, emprunte alors au moi du poète
et – se mettant au diapason – permet
ainsi que le poème devienne « quelqu’un
», c'est-à-dire une entité
capable de comprendre son semblable et de partager
avec lui des sentiments particuliers.
Bon nombre de patients qui possèdent une
personnalité déstructurée,
voire désintégrée, trouvent
en poésie les qualités d’unité
et de cohérence qui leur font défaut.
L'intérêt de ressentir cette unité
est de découvrir en nous la paix intérieure
!
La trame rythmique de la vie est l'unité,
c'est-à-dire la cohésion, la cohérence,
l'harmonie ; c'est pourquoi le rythme du poème
favorise le processus de communication, mais permet
aussi l'unité grâce à cette
harmonie.
Le rythme est ce langage universel qui renvoie
à l’embryon et au nouveau-né
que l’on berce. Le langage, le rythme du
poème, fait écho à la musique
de la création : la musique des sphères
!
Pythagore, philosophe grec, né
vers 582 avant J.C. était déjà
d'avis que la musique contribuait énormément
à la santé si elle était
utilisée de manière appropriée
et que la musique pouvait être une médecine
salutaire.
Mais qu'est donc le poème si ce n'est une
chanson pouvant se dispenser d'un accompagnement
instrumental ?
En réalité, la composition d'un
poème met en éveil les cinq sens
grâce auxquels le poète prend en
compte, inconsciemment, la couleur des mots, leur
aspect visuel, leur musique, leur odeur. Inconsciemment
aussi, il touche et caresse les mots en les couchant
sur le papier. N'oublions pas le 6ème sens,
pour ainsi dire le plus important, sans lequel
l'imaginaire, l'intuition, la vision et l'inspiration
ne pourrait être transmis au conscient !
Tous les sens du poète en éveil,
la magie du verbe va opérer et créer
un rythme vibratoire, une musique des mots tout
en subtilité et en harmonie ; si l'alchimie
poétique est réussie, le poème
va alors vibrer par lui-même et à
son propre rythme comme un piano bien accordé
qui produirait lui-même sa propre musique.
Il se produit alors des ondes d'émotions
ou de plaisir qui sont une source d'énergie
positive.
Par un phénomène de « contagion
mentale », des sentiments se transmettent
d’une personne à l’autre à
travers les rythmes, comme lors d'un festival
de musique. Cette communication rythmique se situe
au-delà de la signification verbale ; en
effet, la poésie utilise un langage rythmique
archaïque à travers lequel la symphonie
des rythmes vocaux est souvent plus significative
que le sens des mots.
Elle
dispose aussi de toute une série de figures
particulièrement aptes à créer
cette unité. Ainsi :
–
la métaphore et la comparaison qui font
fusionner ce qui est séparé ;
–
l’apostrophe et la personnification qui
apportent la vie à ce qui est mort (vie
et mort étant séparées
en ce qui concerne les êtres) ;
–
le rythme et la répétition de
mêmes sonorités qui favorisent
l’unité sonique.
–
enfin, le jeu des rimes masculines et féminines
unit l'aspect masculin et l'aspect féminin
qui, en particulier chez un malade, ont tendance
à s’écarter progressivement,
par degrés.
Tout
ceci induit une sorte de transe ! Mais quelle
que soit la fonction première jouée
par le poème, il s’avère que,
dans la majorité des cas, la poésie-thérapie
aide à lever le voile sur des sentiments
plus ou moins refoulés, ou mal exprimés,
qui peuvent ensuite être discutés,
traités et intégrés.
Ce phénomène de mise à nu
est particulièrement fort au sein d'un
groupe lorsque le patient-poète participe
à des expériences communes dans
une atmosphère d’acceptation ; il
éprouve alors le sentiment d’avoir
activement pris part à un acte de re-création
rendu possible par un apport personnel de souvenirs
et d'expériences vécues.
Non seulement la création de poèmes
procure au patient un sentiment d'acceptation
et de valorisation, mais encore elle lui permet
d’être moins dépendant des
personnages qui l'entourent, tel son thérapeute
Elle aide le patient-poète à comprendre
la signification de son propre art symbolique
et, par là même, à contribuer
activement à sa propre psychothérapie
et à la reconnaissance de soi par lui-même
et par les autres.
Voici donc l'Amérique à l'avant-garde en ce qui concerne la poésie à visée thérapeutique comme d'ailleurs souvent
en bien d'autres domaines.
L'Amérique donc n'hésite pas à
concocter une sorte de potion magique avec des
poèmes et à faire rimer les mots
poétique et scientifique. |
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Mais
alors, me direz-vous, et en France aujourd'hui,
que se passe-t-il en poésie ?
Hé bien ! Il paraît que la poésie
n'est plus l'apanage des intellectuels et que
25 % des Français
de plus de 15 ans taquinent
la muse. À mon avis, d'ailleurs, il y en
a davantage et je me doute que certains d'entre
vous en font partie. Que les personnes qui ont
déjà écrit ne serait-ce qu'un
seul poème dans leur vie veuillent bien
lever la main ! ........
– Félicitations ! Bravo !... Et surtout
ayez confiance en vous ! Continuez d'écrire
et prenez patience car le développement
des talents dépend d'abord de la prise
de conscience de vos capacités latentes,
puis du nombre d'exercices que vous effectuerez,
mais aussi du temps que vous
y consacrerez ! |
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Le fait de constater que les poètes sont
très nombreux en France n’étonne
guère car, dans une époque de perte
de repères, de course aux vraies valeurs,
la poésie permet de se retrouver en se
mettant à l'écoute de soi-même
et surtout, les poètes savent exprimer
les émotions intimes que les gens ressentent
confusément et ne sont pas toujours aptes
à exprimer eux-mêmes.
L'antique formule « Connais-toi toi-même
» dont on dit qu'elle était gravée
au-dessous du portail menant à la chambre
de l'oracle à Delphes est toujours d'actualité.
Jadis, poètes, philosophes et écrivains
avaient coutume de converser avec le public dans
les cafés. La tradition n’a pas tout
à fait disparu et il est vrai que l'un
de mes amis poète breton – Yann
Orveillon – s'efforce de promouvoir
cette formule de cafés littéraires,
avec difficulté, il est vrai ! Dans ce
type d'endroit, les spectateurs peuvent, après
un dîner convivial, satisfaire leur appétit
de poésie, car le soir, comédiens
et poètes y déclament des vers et
les écrivains lisent des textes.
Ce sont là des moments chaleureux où
les gens, toutes générations confondues,
se rapprochent, comme près de Guimaëc,
en Bretagne, au café-librairie «
Caplan & Co » où l'on propose
aux clients de siroter un café-crème
ou un « petit noir » un bon livre
à la main !
Selon William Shakespeare «
Le fou, l'amoureux et le poète sont tous
faits d'imagination... »
et « Le regard
du poète, animé d'un beau délire,
se porte du ciel à la terre et... de la
terre au ciel... »
Alors,
pour le plaisir, l’envie de communiquer
ou pour surmonter une timidité maladive,
de plus en plus de poètes en herbe poussent
la porte d’un atelier d’écriture.
À chaque atelier sa méthode :
– soit on apprend l’art et la technique
de l’écriture
– soit on laisse libre cours à son
inspiration.
En effet, lors d'une traversée de son esprit
en solitaire, l'apprenti poète est souvent
bloqué devant la page blanche, alors que
dans le cadre d'un groupe, les inhibitions tombent
car les participants se stimulent.
Pour quelle raison chacun n'inventerait-il pas
son rythme, sa respiration, sa vie, son expression,
son écriture ?
Pourquoi ne pas guérir du vertige de la
page blanche pour se guérir tout court
alors que la poésie d'aujourd'hui se libère
et peut être autre chose qu'un langage réservé
aux intellectuels ou un simple passe-temps.
Loin des analyses desséchantes des critiques
professionnels, l'expression poétique retrouve
avec bonheur la communication, l'intuition, le
grand air ; elle ouvre les portes de l'ailleurs
et pour vous emporter jusqu'où ?
Le voyageur en poésie sillonne un domaine
enchanté. Partout où Dame Poésie
est attendue, reçue et donnée en
partage, c'est l'occasion d'un échange,
une sorte de transfusion qui touche l'âme
elle-même, car la poésie conduit
à l'essentiel c'est-à-dire à
l'âme !
C'est
pourquoi, sans hésiter : félicitons
les associations, dont les adhérents sont
souvent bénévoles, qui organisent
des Salons du Livre où les auteurs
se retrouvent et ont un contact direct avec leurs
lecteurs. Bravo
au Ministère de la Culture qui
a mis sur pied une manifestation annuelle ayant
pour nom « Le printemps de la Poésie
». Réjouissons-nous
des nombreux Prix littéraires et autres
Concours de Poésie où les poètes
sont récompensés et reconnus. Diverses
autres manifestations et rencontres incitant au
rapprochement entre la poésie, les poètes
et les lecteurs, existent dans toute la France
sous forme de conférences, ventes signatures,
etc... Même modestement, même sous
forme de contacts et d'initiatives individuelles,
tout est utile et bénéfique afin
que la poésie tente de retrouver ses lettres
de noblesse et, à défaut, qu'elle
soit à la portée du plus grand nombre
! |
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Le
Docteur Jacques Vigne, médecin
français, psychiatre et écrivain,
qui vit depuis de nombreuses années le
Vedanta en Inde, à l'ashram de Sri Anandamayi,
à Hardwar, dans la vallée du Gange,
a parfaitement exprimé l'utilité
de la poésie dans son ouvrage « Psychologie
et Méditation » ou « Soigner
son âme », au chapitre 9 intitulé
: « Poétique »
J'ai acheté ce livre en juillet 1997 par intuition. A ce jour, je l'ai relu 7 fois et je
reviens encore occasionnellement au chapitre concernant
la poésie. Ce livre est devenu pour moi une sorte de bible car j'y ai trouvé, entre autres choses
et en particulier, la motivation nécessaire
à la mise en forme de mon premier livre
de poèmes «
Dans le droit fil de l'âme
» ce dont je rêvais depuis environ
25 ans ! |
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En effet, durant de longues années, j'étais
persuadée qu'être poète était
un handicap, presque une tare et convaincue que
ce que j'écrivais n'intéressait
vraiment personne. J'avais tort et j'ai compris
grâce au Docteur Vigne que, bien sûr, ce que j'écris n'intéresse
pas tout le monde mais tout de même un nombre
suffisant de personnes pour qu'il soit intéressant
de publier. C'est donc ce que j'ai fait et pour
cela, les propos de Jacques Vigne m'ont aidé bien au-delà de ce que
l'on peut imaginer. Qu'il me soit permis de le
remercier ici très sincèrement !
Jacques
Vigne écrit donc dans son livre
:
–
Il y a un lien entre poésie et méditation.
– Une bonne poésie, c'est une poésie
qui touche.
– Le
poète comme le sage, cherche à
voir vraiment les choses, les événements,
les émotions simples de la vie.
– Mystique et poésie ont en commun
la capacité d'émerveillement et
le désir d'immortaliser l'instant.
– L'art et la poésie servent de
soupape de sécurité, notamment
à la personne solitaire en manque de
confident ou d'interlocuteur pour exprimer des
rêves, des expériences, des intuitions,
des prémonitions ou des visions et donc
extérioriser son imaginaire.
– Ce qui éveille la nostalgie du
poète est aussi ce qui provoque la prise
de conscience du méditant, c'est l'impermanence ! C'est bien pour cette raison, à cause
de ce sentiment d'impermanence, qu'une belle
ruine suscite davantage d'émotions qu'un
bâtiment flambant neuf.
L'intérêt
d'exprimer la fragilité c'est de montrer
qu'on la reconnaît et qu'on commence donc
à la transcender, car « Quand on
accepte ses limites, on devient sans limite »
dit une parole Zen. En effet, l'amour et la poésie
ont en commun qu'ils font se pardonner à
soi-même, par effet de miroir, sa propre
faiblesse.
Le Docteur Vigne accorde donc
au poème une valeur thérapeutique
à l'identique des américains.
Il
explique que le « choc poétique »
est souvent lié à une remontée,
à une bouffée d'associations sensorielles
justes et imprévues ; en ce sens, le «
choc poétique » est proche d'une
expérience de rêve éveillé,
et même de méditation : n'est-il
pas un rayon d'Absolu qui vient toucher la fleur
à demi fermée du cœur et l'encourager
à s'ouvrir un peu ?
Du point de vue spirituel, l'esprit d'enfance est une qualité fondamentale, peut-être
parce qu'elle évoque tout ensemble simplicité
et unité.
Du point de vue psychologique et poétique,
il n'y a pas de nostalgie qui ne soit liée
à l'enfance.
Gaston Bachelard, philosophe
français, auteur d'analyses de l'imaginaire
poétique, qui dit :
« Les poètes
aideront à retrouver en nous cette enfance
vivante, cette enfance permanente, durable, immobile»
L'état évoqué par cette définition
est en fait une enfance au-delà de l'enfance,
une réalité que les hindous rapprocheraient
volontiers du Soi.
Si la poésie, comme la spiritualité,
insiste sur l'enfance, c'est peut-être à
cause du souvenir de cet état de calme
qui avait précédé l'apparition
de la vie sexuelle et de ses tumultes. Et rappelons-nous
les paroles de Jésus qui
disait : « Si vous n'êtes changés
et ne devenez comme des petits enfants, vous ne
pouvez entrer dans le royaume céleste »,
c'est-à-dire vous ne pourrez connaître
la paix en Soi, la paix de l'âme pure ! Et cette
paix-là est poésie !
Le Docteur Vigne cite Goethe qui affirme : « L'éternel féminin
nous attire vers le haut » (On fait référence
ici à la Dame, la Muse, la Déesse
Mère, la Madone). Il est certain que le
besoin du retour à la mère au-dedans
de soi est une base de la psychologie tant chez
l'homme que chez la femme et donne un fondement
au travail intérieur de guérison
et d'évolution...
Jacques Vigne présente aussi quelques idées
forces du poète préféré
du Président Jacques Chirac, Kenneth White, qui enseigne la
poésie du xxème siècle à
la Sorbonne à Paris, mais qui passe le
plus clair de son temps dans un penty du Trégor
en Bretagne.
Pour White, il y a la poésie
blanche qui mène au fondement de l'être,
à un état au-delà de la personne
et la poésie noire qui essaie de conférer
une certaine esthétique à des états
morbides
de la psyché, c'est-à-dire
aux perturbations du mental.
La poésie blanche s'échappe de la
culture moderne pour nous donner rendez-vous dans
l'espace premier. Les cultures liées à
cet espace premier sont le celtisme, le chamanisme et le Zen : tous trois ayant un contact direct et inspiré avec la nature et l'environnement
! En effet, la poésie, comme la mystique
suit le chemin des oiseaux. L'errant et l'ermite
sont les seuls rôles seyant au poète,
dit Kenneth White ! De ce fait,
il considère le poète comme une
sorte de yogi, ayant une dimension de sage ! En
effet, la compréhension du moi –
ou de l'âme – est un art vraiment
mystique mais qui, pour beaucoup de personnes,
est un art perdu.
Pourtant, les poètes ont depuis longtemps
insisté sur la nécessité
de parvenir à la conscience du moi dans
son sens véritablement mystique. C'est
ainsi que depuis les temps les plus reculés,
des idées mystiques et philosophiques de
nature supérieure ont été
transmises à l'homme sous forme poétique.
Le mystique sera donc saisi par la beauté
et l'enseignement que transmet le poète
lorsqu'il cherche à «justifier les
voies de Dieu vers l'homme » |
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Mais
la poésie est un diamant aux milles facettes
et en Occident, depuis un siècle déjà,
la communication poétique est en crise.
Les poètes surréalistes, en voulant
libérer les sources créatrices de
l'inconscient, se sont souvent perdus dans le
« n'importe quoi » de la diffluence
mentale... Notre époque moderne met donc
les poètes à l'écart, les
anesthésiant et ne les écoutant
pas.
Et pourtant la clef de tout homme est sa pensée ! Les plus grands penseurs et philosophes ou mystiques
du passé étaient poètes :
ils nous ont laissé un héritage
culturel inestimable qui a contribué à
l'évolution et au progrès de l'homme
! |
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Mis à part ce discrédit jeté
sur les poètes par leurs collègues
surréalistes, aurait-on peur de ces "merveilleux
fous volants" de poètes ?
Non ! Je pense plutôt comme Yann
Brekilien, auteur de ma préface
(Dans le droit fil de l’âme),
que les bons poètes sont rares ! D'ailleurs,
dit-il, il n'y a pas de bons ou de mauvais poètes.
Pour lui, il y a d'un côté : les
vrais poètes et de l'autre, ceux qui prétendent
être des poètes mais qui sont
en
fait des écrivaillons qui n'écrivent
souvent que de la prose la plus banale mais découpée
en rondelle !...
Personnellement,
j'appelle ceux-ci « des rimailleurs »
car, en effet, n'est pas Victor Hugo qui veut ! Par chance, Yann Brekilien me classe dans la catégorie des vrais poètes car mes vers ont jailli, dit-il, dans le droit
fil de mon âme et c'est l'unique raison
pour laquelle il a pris la peine de rédiger
une magnifique préface qui n'est en aucun
cas une notice publicitaire, ce qu'il ne manque
pas de préciser avec véhémence
!
Un certain nombre de mes lecteurs, femmes ou hommes,
m'ont confirmé son jugement et avoué
avoir pleuré d'émotion au cours
de leur lecture : on peut donc penser que mes
écrits les ont touchés, ont fait
vibrer leur corde sensible et les ont bouleversés
jusqu'au tréfonds d'eux-mêmes. J'ai
reçu beaucoup de témoignages de
personnes n'aimant pas, en principe, la poésie
et qui, pourtant, ont beaucoup aimé lire « Dans le droit fil de l'âme » ; certains d'ailleurs l'ont adopté
comme livre de chevet, ce qui est la plus belle
reconnaissance pour un poète vivant ! |
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Comme
le dit Jacques Vigne, un bon poème,
comme un bon texte spirituel, est celui qui nous
arrête, qui nous fait lever les yeux du livre
et tourner le regard en dedans, saisis que nous
sommes par un état de méditation spontanée.
Dans la vraie poésie, la dimension religieuse est toujours présente.
L'écrivain
la sentira s'il a la maturité spirituelle
suffisante et ne laisse pas le labyrinthe de l'écriture
et de ses techniques piéger son mental. |
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La poésie est spirituelle du fait qu'elle
est vérité. En Inde, on considère
qu'il y a une énergie spéciale dans
la parole de celui qui ne dit que la vérité
: c'est un pouvoir qui transforme un simple mot
en parole sacrée. La parole poétique
peut donc devenir parole prophétique dans
la mesure où l'expérience intérieure
de son auteur lui insuffle suffisamment d'énergie
; et au-delà, elle peut devenir parole de
sagesse, si l'énergie réussit à
s'épanouir en amour conscient, en amour universel.
La lumière douce d'un beau poème nous
fait reconsidérer d'anciens chagrins avec
un certain sourire : en cela, elle est méditation,
elle est conscience. Au fond, le lecteur, par identification,
ne met-il pas en valeur ses propres parcelles de
lumière ?
Et celui qui a mal vécu est pardonné
s'il a créé une œuvre poétique
réussie.
Mais le poète n'a-t-il pas la tentation de
forcer sur ses sentiments pour plaire au public
? Une chose est de charmer, une autre d'éveiller
chez les autres, comme le fait un maître spirituel,
une énergie, un enthousiasme pour avancer
dans la vie et dans la connaissance de soi-même.
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Mais une poésie reflétant plusieurs
niveaux de lecture, il faudrait bien connaître
la vie d'un poète pour être conscient
de la manière dont il a intégré
et réalisé dans sa vie ce spirituel
qu'il a laissé entrevoir dans son œuvre
tel Saint Jean de la Croix qui
évoque les voies mystérieuses, l'échelle
secrète, qu'emprunte l'âme dans son
évolution. La poésie mérite
donc d'être lue dans un état proche
de la méditation et Victor Hugo,
qui n'a pas peur des grandes analogies, fait des
poètes :
des prêtres, des prophètes
!
Certains poètes, d'ailleurs, font de leur
art une mystique (ou de leur mystique un art) et
se servent du souvenir de leurs extases comme d'une
source d'inspiration toujours disponible et d'une
force pour avancer avec confiance dans la direction
de leurs rêves : ils aident ainsi les gens
à s'engager sur une voie qui mène
loin...
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En effet, l'énergie de la transe
poétique ou amoureuse est capable de bousculer
les limites de l'ego et d'ouvrir brutalement vers
l'infini. Quand la poésie gagne en profondeur,
elle tend à se défaire de l'ego et
à devenir anonyme : c'est ce qui lui donne
la faculté de pénétrer le coeur de tout un chacun.
Saint Jean de la Croix ou Sainte
Thérèse d'Avila ont utilisé
le poème comme moyen de transmission de leurs
expériences, leurs extases mystiques et leurs
visions, mais ils n'ont pas été les
plus nombreux.
Victor Hugo, quant à lui,
indique les limites de la poésie en écrivant
: « J'ai dans mon âme une fleur que
nul ne peut cueillir ». Cette fleur intérieure,
essence de notre être essentiel,
y aura-t-il
un poète ou une poétesse apte à
la décrire en sa subtilité ? Qui pourra
un jour chanter cette fleur guérisseuse du
pays du silence, la cueillir et la déposer
sur le parvis du ciel ? Celui qui accède
à ce pouvoir est un vrai poète doublé
d'un maître spirituel authentique.
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Jésus était sans
conteste un grand maître spirituel mais nous
ne savons pas s'il était également poète en son âme ? « Dieu »
seul le sait !... J'ai la conviction que «
Dieu » (s'il existe...
et rien n'est moins sûr !) est le plus grand de tous les poètes
puisque souvent nommé le « Créateur
» ou « l'Intelligence supérieure
qui nous gouverne », ayant créé
toutes choses du ciel et de la terre, il a donc
créé aussi la poésie et dans ce cas, il est inévitablement poète
lui-même !
Créé à l'image de « Dieu
», si l'on en croit les textes sacrés (!), tout être humain a donc, par conséquent,
un potentiel poétique plus ou moins développé
et celui qui utilise correctement ses
5 sens ainsi
que son 6ème sens peut observer quotidiennement
que la poésie et la beauté sont magiquement présentes autour de nous dans la beauté et les forces de la nature : il ne tient qu'à l'être humain d'en devenir pleinement conscient afin qu'elles le soient davantage pour son plus grand bonheur ! |
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©
Silviane Le Menn, janvier 2000 |
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Dernière
mise à jour
lundi 09.01.2017 17:43
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