Ils étaient jeunes et beaux 
                      et leur musique chrysalide 
                      se baignait dans l'eau pure du lac 
                    La cavalcade des notes 
                      s'enfuyait vers le soleil couchant 
                      tandis qu'une clarinette 
                      regardait pleurer un enfant 
                    Les bouteilles 
                      s'alignaient sur la table 
                      vertes et glauques 
                      comme la colère du père 
                      et la suite des mélodies 
                      courait vers la fortune 
                      comme la femme sur le clavier 
                    Un essaim d'enfants 
                      dévalait la pente 
                      et se gargarisait 
                      de brassées de gerbes d'eau 
                    Sous un chapeau de paille 
                      la voix de la raison 
                      parlait de nuages 
                      et de l'harmonie de l'eau 
                      quand la montagne s'y reflète 
                    En ombres chinoises 
                      se découpait le destin 
                      gorgé de baies rouges et noires 
                      et d'oiseaux printaniers 
                    Etre ailleurs 
                      dans la plainte d'un accordéon 
                      dans la douleur d'un enfant 
                      dans le tintamarre de la vie                                                 
                    A la lueur de l'aube                                                                
                      une envolée de cape 
  éclaboussa le courant 
                      en suivant le rythme 
                      de la forêt vivante 
                      et les fougères s'inclinèrent 
                      dans la ferveur de la musique 
                    Les arbres de hautes futaies 
  étaient envahis d'araignées 
                      tissant leurs toiles irisées 
                    L'air 
                      s'imprégna soudain 
                      du galop d'un cheval blanc 
                      et cette mélopée pénétra 
                      dans la tête des marronniers 
                    La musique 
                      s'avançait dans une allée 
                      interminable 
                    Le rire 
                      escaladait la partition 
                      jusqu'à la chaleur d'une symphonie 
                      et l'amour 
                      se paraît d'une voilette de  vibrations 
                    Le pavillon de bois 
                      s'ouvrait sur le ciel 
                      dans la blancheur des anges 
                    Un tourbillon d'arc en ciel 
                      encercla l'esprit du mal 
                      pour dire adieu à l'amour 
                    A la lumière d'un orphéon 
                      le lugubre sourire d'un cercueil 
                      dans la danse des croix 
                      vit la claustrophobie 
                      impossible des cymbales 
                      et la lubricité 
                      envahissante des femmes dénudées                                              
                    L'incinération d'un mort vivant                              
                      s'hallucina dans la résonnance des  tambours 
                      et la cendre bleue 
                      se répandit entre les clignements  d'oeil 
                      en un ballet sauvage 
                    La valse du rideau noir 
                      et des plumes d'autruche 
                      par un érotisme musical 
                      s'enfonça dans le trou noir 
                      d'un trombone silencieux 
                    Le piano 
                      adoucit soudain le cauchemar 
                      La vie 
  égrenait à nouveau 
                      ses boucles brunes de mélomane 
                      et ses jets d'eau multiples 
                      se parèrent de la brillance d'un  opéra 
                    Le coffret mystique 
                      se referma sur la paix du soir 
                      et l'odeur des églantines 
                      tandis que de voluptueuses harmonies 
                      conduisaient les pas de la gazelle  blonde 
                      tout au long du ruisseau 
                      jusqu'au pied de la souffrance 
                    Le déchirement des visages 
                      pianotait sa douleur 
                      et les cuivres 
                      brillaient comne l'étoile de David 
                    La musique 
                      brûlait de délires oniriques 
                      sous le casque de la folie 
                    Les notes 
                      s'accrochaient au flanc de la  montagne 
                      et traversaient les cavernes 
                      en trémolos morbides                                                            
                    L'orchestration s'installa  
                      au sommet du recueillement 
                      et la chair sculptée 
                      résonna de notes graves 
                      jusqu'au chant de l'ivresse érotique 
                      provoquée par l'apparition de la mort 
                    Les ovations 
                      les bouquets 
                      induisaient à l'angoisse 
                      le coeur palpitant de musique 
                      de l'homme seul 
                    Les enfants couraient 
                      trépidante sonatine 
                      dans les branches 
                      où flottaient des rubans de couleur 
                      et le parfum du chèvrefeuille 
                    L'écume bouillonnait 
                      Le pavillon était empli de sonorités 
                      et résonnait de puissantes pulsations 
                      Le vent gonflait les voiles 
                      et la voix 
                      se superposa au vertige des violons 
                    Les fleurs s'amoncelaient 
                      Les cris des enfants crépitaient 
                      La course de la symphonie 
                      sous les arbres 
                      explosa à l'approche de l'amour 
                      et l'éclatement des cuivres 
                      l'éblouissement des violons 
                      s'étreignirent dans une musique  immortelle 
                    Le sourire marchait 
à la rencontre de la mort 
                    Le final retentit 
                    Tout demeura baigné d'un grand  étonnement 
                      et la musique se solidifia 
                      définitivement 
                    en un écho cristallin  |